Epreuve  finale présentée par Prof.Ing.Brison G. pour l'obtention du titre de  Bacchelier en Psychopédagogie* :

(*équivalence des titres européens par le traité Bologne - 19 juin 1999)

 
Induction à la motivation par la pédagogie différenciée
 

                                                                 

Avant propos Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes sur les bancs d’école, principalement dans l’enseignement professionnel, se posent cette question cruciale :  « A quoi nous servent tous ces cours ? Alors que nous voulons acquérir les compétences spécifiques dans un domaine bien précis pour exercer au plus vite notre métier sur le terrain ». Ci-dessous, quelques-unes de leurs répliques : «Je veux devenir soudeur !»«Et moi, électricien !»«J’aime travailler le bois, pourquoi dois-je étudier la mécanique ?» «A quoi va me servir un cours de sciences humaines sur les groupes sanguins  alors que je veux devenir mécanicien d’entretien ?».   Ces répliques ont le mérite d’être claires et d’exprimer un besoin réel. Pourtant, si le jeune ne reçoit pas une explication rationnelle et motivante, il se trouve assez vite dans une situation où l’amertume le prend à la gorge au risque de lui faire baisser les bras. Nombreux sont les experts pédagogues qui ont exprimé leurs théories et solutions afin de répondre à ce besoin. Un seul d’entre eux m’a profondément interpellé car il differt des autres de par son humanisme, sa passion de l’homme et surtout son incroyable humilité. Quatre points essentiels de cet homme de terrain, docteur en lettres et sciences humaines ayant mené l’expérimentation pédagogique et dirigé l’Institut national française de recherche pédagogique, suscitent l’intérêt dès le départ : o       l’humilité d’exposer une pédagogie sans dévaloriser les autres ;o       l’écriture et l’oration fascinant le lecteur ou l’auditeur dès la mise en situation ;o       la confiance en l’homme, en l’humanitude et l’expérimentation ;o       la fascinante réalité de convertir un enseignant sceptique comme je le fus où l’étincelle est venue de moi même. Philippe Meirieu a le vécu d’un homme formateur. Il raconte l’histoire de Gianni, jeune en difficultés vivant sans support familial solide et dans un milieu absent de culture. Philippe Meirieu touche le lecteur par l’écoute qu’il porte au jeune ainsi que la noblesse de ne pas affirmer qu’il détient ‘la solution’ pour le remettre sur la route mais une proposition qu’il désigne incertaine en se basant sur le déclenchement de l’étincelle de l’homme. Biographie de l’auteur 

Grégory Brison, ingénieur industriel de formation, cinq ans d’expérience professionnelle dans le privé où il a également enseigné en interne pour la formation des cadres . Deux ans d’expérience comme enseignant,  actuellement acteur pédagogique au sein de l’institution catholique ‘Institut Saint Gabriel’ à Braine-le-Comte, il dispense les cours de dessin technique, technologie, électricité et mécanique appliquées au second et troisième degrés de l’enseignement technique et professionnel en  gardant  la conviction de  réussir sa mission périlleuse mais aussi d’assurer la qualité philosophique du message de citoyenneté dont l’école doit être garante.

  
1. Introduction  1.1 Identification du champs de recherche 

Malgré les derniers programmes pédagogiques mis en œuvre ces dernières années et le projet de revaloriser les enseignements qualifiant et professionnel sur du long terme, les questions simples posées par ces élèves dès le début de ce travail présentent une dimension pédagogique complexe, voir une situation quotidienne d’apprentissage souvent inadaptée par nos institutions par rapport aux besoins de terrain de ce type d’enseignement. Pourtant, ce qui apparaît dans les répliques de ces élèves, c’est principalement le désir de privilégier leur choix en tenant compte de leur besoin. En dehors de toute critique sur la constitution des programmes pédagogiques, qui ne fait pas l’objet de cette démarche, l’auteur souhaite sensibiliser le lecteur sur le fait que ce désir de réponse est d’autant plus marqué au niveau de l’enseignement professionnel car il est renforcé par le besoin de concret opérationnel.

Une solution possible : « Ne serait-il pas intéressant d’envisager chaque cours en expliquant sa raison d’être à l’apprenant par la mise en pratique immédiate en introduisant l’apprentissage personnalisé ? ».

‘Personnalisé’, non pas pour ajouter uniquement une dimension de valorisation humaine mais surtout pour que chacun puisse acquérir le savoir à son propre rythme d’évolution.  Actuellement, la grande difficulté rencontrée dans l’enseignement reste la différence entre le bagage culturel des élèves et l’attente des professeurs. 1.2 Hypothèse Par la didactique et les méthodes mises en place, l’auteur veut apporter sa contribution pédagogique de par la façon dont il mène sa  propre expérimentation. Une des solutions, non universelle, mais intéressante à exploiter  pourrait être d’adapter une pédagogie sur mesure visant les compétences de base pour chaque cours, d’une part ; en précisant la réalité de terrain, afin de dégager un intérêt en suscitant la motivation des élèves, d’autre part. Susciter la motivation de l’élève favorise son apprentissage au sein d’une classe hétérogène. C’est cette ‘étincelle’ qui permet de déboucher sur un transfert de connaissances.  La pédagogie différenciée ne se limite pas à une gestion non impositive entre le formateur, les apprenants et le savoir mais principalement à l’induction de  la motivation de par sa raison d’être.  L’hypothèse est donc limitée au sujet suivant :  

« Induire la motivation par la pédagogie différenciée »

  La pédagogie  différenciée optimalement menée, conduit à la motivation de l’élève, source de base à tout acte d’apprentissage. La motivation est à la pédagogie, ce que l’eau est à l’homme, un besoin vital pour assurer sa survie et son développement.

A travers cet ouvrage, respectons l’idée de Maître Meirieu en préconisant la pédagogie différenciée comme une réponse possible et non une solution miracle démagogique qui viserait à détroner d’autres idées.

 1.3 Objectifs Ce travail propose de visualiser les principes de cette pédagogie, de la mettre en œuvre  et d’être une solution possible à l’acte de transfert pédagogique. Il vise avant tout les élèves délaissés par les pédagogies traditionnelles, ceux qui entrent dans la classe avec un sentiment diffus, ceux qui pataugent, ceux qui paniquent quand le maître parle ou encore ceux qui en viennent à agresser sans réfléchir car ils sont confinés à ce choix pour être reconnus. Enfin, les stratégies sont également nombreuses pour valoriser les bons éléments.  1.4 Délimitation du travail  

La proposition dans cet ouvrage est d’aborder la pédagogie différenciée, de l’appliquer à une classe d’enseignement professionnel dans le cadre d’un cours de dessin technique, d’en tirer les constatations et les aspects métacognitifs ainsi que les grandes lignes générales de tout principe basé sur une hypothèse.  La motivation découle de l’action pédagogique proposée, elle ne constitue en aucun cas le sujet principal de cet ouvrage, c’est l’acte pédagogique correctement mené qui l’induit et non l’inverse.


2. Cadre théorique  2.1 La motivation 2.1.1 Définition 

Facteur conscient ou inconscient qui incite l’individu  à agir de telle ou telle façon. Motiver un cours, c’est le justifier, en montrant son intérêt. Motiver des personnes, c’est leur donner des raisons de ressentir, de penser et d’agir.

La motivation est donc au cœur de la relation éducative puiqu’elle est le paramètre primordial du tripôle pédagogique Enseignant-Savoir-Apprenant.

 

Les motivations sont liées au vécu de l’individu. L’élève doit se sentir acteur et maître de son destin, c’est le premier critère d’une motivation réussie. 

 2.1.2  Pourquoi motiver ? 

o       Former les élèves, leur faire découvrir la richesse d’une discipline, les rendre capable d’agir individuellement, de  gérer leur propre emploi du temps et de s’auto-évaluer afin de renforcer en boucle cette motivation.

o       Valoriser l’enseignant,  se faire écouter et respecter en sachant que l’on dispense un ‘savoir’ et un ‘savoir-faire’ qui déboucheront sur un ‘savoir-être’.

o       Aboutir à l’autonomie de l’élève.

 2.1.3 Comment motiver ? 

Avant toute chose, l’élève doit recevoir un objetif pour valoriser l’activité qu’il met en place.

 

Il faut aimer la matière que l’on enseigne avant de vouloir susciter toute forme de motivation chez les autres en donnant des arguments rationnels et subjectifs sur le ‘pourquoi’ de la présence du cours dans le programme pédagogique de façon à rendre cette matière utile et intéressante (perception de la valeur de l’activité).

 

Les expériences personnelles du professeur valent de l’or et sont plus susceptibles de susciter la motivation que tout discours élaboré sans point de rattachement à une expérience professionnelle utile.

Les objectifs définis doivent être perçus comme réalisables par l’élève et non comme une quête impossible et diffuse (perception de compétence).  Enfin, il faut recueillir les perceptions libres* de l’apprenant en l’écoutant sans le juger, afin de motiver son apprentissage pour lui donner les chances de croire en lui (perception du contrôle). 

La démotivation de l’élève vient du fait qu’il n’a pas l’occasion de combler ses besoins et ses propres demandes en tant qu’apprenant.

L’élève doit pourvoir agir librement sur la séquence de cours en posant des questions sans être confiné à écouter un message imposé.

 2.1.4 Par quels moyens ? 

La motivation personnelle affective de l’élève vient de lui-même ; néanmoins, le rôle du professeur est de la susciter au maxium.

 

q       Au début du cours, en précisant les objectifs, valorisant l’utilité de la matière et son importance via un maximum d’exemples pratiques et concrets du quotidien.

 

q       Pendant le cours, en questionnant les élèves et en leur laissant le maximum de champs pour que puissent émerger leurs perceptions libres, en variant les supports didactiques, en donnant des exemples issus de leur quotidien et en leur demandant de trouver eux-mêmes des exemples.

 

q       A la fin du cours, en synthétisant ce qui a été vu et en évaluant par des commentaires constructifs les progrès réalisés par l’apprenant.

 

q       D’un point de vue ‘social’, en suscitant l’entraide entre élèves (selon leurs connaissances) pour relever des  défis et les résoudre en équipe.

 

q       En observant la progression de chacun par ‘fichiers différenciés’ laissant l’élève évoluer à son rythme pour atteindre les compétences demandées.

  

*Intérêts et préoccupations librement exprimés, basés sur un présavoir implicite en vue d’élargir ce savoir existant.

   
2.2 La pédagogie différenciée   Suite à l’apparition de phénomènes de société (divorces, médias, loisirs,…), les classes homogènes de jadis sont devenues des classes hétérogènes où chaque individu apparaît désormais comme une entité unique avec son vécu, son savoir existant ou non et son envie de progresser. La pédagogie différenciée propose de reconnaître l’apprenant dans ses particularités individuelles, d’une part et de respecter les itinéaires d’apprentissage de chacun, d’autre part. Elle repose sur la célèbre formule de Carl Rogers :  « On n’a bien appris que ce que l’on a appris tout seul ».La construction du savoir se fait donc dans et par l’apprenant, ce qui implique d’écouter ses besoins plutôt que de privilégier la transmission pure et dure d’informations.Le professeur devient un guide, une personne « ressource » qui collabore étroitement avec l’apprenant au lieu de lui imposer arbitrairement sa loi. L’apprenant devient en quelque sorte l’acteur pédagogique d’une formation négociée qu’il conduit à son propre rythme sur base d’un objectif commun à la classe. Les étapes à mettre en œuvre pour mener à bien cette pédagogie sont les suivantes :1)     Evaluer les prérequis 2)     Susciter l’intérêt et la découverte3)     Structurer l’apprenant en guidant et suscitant le progrès4)     Evaluer l’apprenant 5)     Remédier au besoin    

Comment allons-nous mettre en œuvre ces cinq étapes ?

Par quelles méthodes et techniques ?

 2.2.1 Evaluer les prérequis Avant tout acte pédagogique, il convient de repérer les problèmes inhérents à chaque élève :·        d’ordre cognitif : rythme plus lent, plus rapide, …·        d’ordre socio-culturel : problèmes familiaux divers, ...·        d’ordre psychologique : vécu de l’individu. En début d’année, il est intéressant lors de la première collecte des présences, de prendre un peu de temps par élève afin de cibler chaque individu. (De quel type d’enseignement viens-tu ? De quelle année ? De quelle section ? Quels sont tes centres d’intérêt ? Ta vie familiale est-elle heureuse ?…) Ensuite, on peut réaliser une première évaluation des acquis de chacun. Pour cela, il semble bon de distribuer dès le début d’une année académique un questionnaire relatif à la matière des années antérieures, questionnaire reprenant les grands principes ou notions sous forme de questions ouvertes, de ‘vrai ou faux’ ou encore de questions à choix multiple.On peut également envisager un problème type à résoudre reprenant dans son schéma de résolution, l’ensemble des acquis ou encore simplement de demander à l’élève d’écrire ce qu’il connaît sur un sujet. Cette évaluation  doit constituer une base solide de constat avant tout enseignement de nouvelles matières.L’enseignant détecte de cette façon les lacunes et peut dès cet instant, démarrer l’acte pédagogique en connaissance de cause, en expliquant la matière antérieure non assimilée mais aussi en renforçant ses explications. Grâce à ceci, il connaît, lors de cette première étape, les ressources et besoins spécifiques à chacun. Exemple : Dans le cadre du cours de dessin technique, Kévin ne maîtrise pas les coupes vues en 5ème année. En début de 6ème année, le professeur organise une remédiation immédiate, soit pendant les cours, soit durant son temps libre. Le professeur, lors de ses explications, devra tenir compte qu’il ne maitrise pas parfaitement les coupes en essayant de renforcer la remise à niveau par de nombreux rappels afin qu’il puisse avancer sur son dessin.      

Pécaut disait : « Il vaut mieux un savoir médiocre dans lequel  l’apprenant puisse se mouvoir, qu’une tonne de savoir dans lequel il est perdu ! »

 2.2.2 Susciter l’intérêt et la découverte Ce que l’on recherche ici , c’est que l’apprenant détecte de quoi on parle,  qu’il parvienne  à le référer à une expérience ou à un savoir antérieur et comprenne en quoi cela prolonge et dépasse ce qu’il sait déjà.Induire la motivation en appliquant la pédagogie différenciée se situe principalement à ce stade. Nous développerons donc ce point en introduisant les éléments susceptibles d’induire cette motivation.

Comme tout est centré sur la formation de l’apprenant, ce ne sera que peu à peu que le formateur modulera l’information sur les contenus et les techniques à transmettre en suivant les étapes suivantes :

  Ø     Donner du sens en expliquant dès le départ l’esprit du cours, son utilité au sein du programme pédagogique et ce que va apporter, de façon concrète, sa retombée intellectuelle, sa logique et sa beauté.Ø     Déterminer le positionnement du cours par rapport aux autres disciplines et l’intérêt qu’il présente au sein de la formation globale. Ø     Proposer une stratégie d’apprentissage centrée sur le vécu et l’expérience professionnelle du Maître en tenant compte des réprésentations existantes des apprenants. Recueillir les perceptions libres se révèlent très efficaces dans des groupes très hétérogènes ou au départ moins motivés.Ø     Susciter le désir d’apprendre en essayant de faire partager son enthousiasme. On ne peut pas susciter la motivation des autres si on n’est pas motivé soi-même dans la discipline que l’on enseigne. On arrive de cette façon à faire apprécier la matière car aimer est sans contestation le  meilleur moyen pour réagir et pour apprendre.Ø     Annoncer après cette phase de stimulation les objectifs à atteindre en fin d’année . Cette façon de procéder permet d’éviter le rejet et le blocage, elle est même souvent perçue positivement par les jeunes.  

Soulignons que ces étapes doivent rester principalement sous le contrôle du maître, il  ne doit rien céder aux pressions des élèves. On ne transige pas au niveau des objectifs. Les expliciter, c’est fixer d’entrée les règles du jeu.

 

Pour faire connaître l’esprit du cours et ses objectifs, on peut pratiquement apprendre à l’apprenant :

  

·        à synthétiser un cours ;·        à comprendre la signification profonde d’un concept ;·        à insérer l’apprentissage du cours dans le vécu quotidien ;·        à gérer son propre temps de travail ;·        à trouver des exemples du quotidien en rapport avec le cours;

·        à exploiter  la richesse de la classe.

      
2.2.3 Structurer l’apprenant en guidant et suscitant le progrès La progression de chacun se fait de façon personnalisée en tenant compte du rythme des élèves et en utilisant des supports didactiques différents selon les goûts et les intérêts des apprenants.Soulignons le grand principe qui régit ce stade : le maître doit être attentif au moindre fléchissement pour apporter, au bon moment, l’information nécessaire dont l’élève a besoin pour ne pas se décourager dans son travail.  Le parcours différencié de chaque élève se fait par la disposition du maître auprès de chacun afin qu’il adapate les mises au point nécessaires.

Il peut à ce stade reprendre une consigne mal comprise, donner une explication ou un renseignement personnalisé ou encore simplement répondre à une question d’un élève.     

A ceux qui auront terminé les premiers, le  maître proposera un exercice supplémentaire d’approfondissement de la matière; aux plus lents, il leur donnera le coup de pouce nécessaire pour avancer plus vite.  Frenet disait :  « Un élève qui travaille ne se fatigue pas; ce qui le fatigue, c’est l’inactivité et l’inefficacité». Il faut susciter le progrès chez l’élève en l’évaluant régulièrement sur ce qu’il sait faire et sur ce qu’il doit améliorer. Le meilleur moyen de montrer qu’on a appris un concept, c’est ensuite de l’expliquer à quelqu’un d’autre. Disposant de repères et de bases fixées, l’élève sait qu’il connaît des choses, il développera son autonomie plus rapidement et avec une plus grande envie que s’il ne sait pas où il en est. L’élève pourra de cette façon s’auto-évaluer au niveau cognitif, socio-culturel et psychologique.   
2.2.4 Evaluer l’apprenant Au cours de la leçon, l’évaluation formative est le type d’évaluation intéressante dans ce cadre précis car elle permet d’observer les points qui bloquent la progression de l’élève. Il est donc possible grâce à ce moyen d’intervenir de manière à ajuster plus précisément la méthode, voir de changer complètement de méthode. Cette étape est régulatrice et essentielle pour empêcher que la différenciation ne se fige, elle permet d’évaluer si les objectifs de départ reçus par l’apprenant sont atteints par rapport à l’action éducative menée. Bien plus qu’une simple évaluation et centrée sur l’action éducative, elle permet de former l’élève en continu sans adjoindre une pression immédiate de rendement ou de bilan. Une méthode consiste à interpeller l’élève, à l’obliger à se questionner par écrit par rapport à ses idées afin de permettre d’établir des relevés, des constats et des observations. En fin de module de cours, il est intéressant d’effectuer une évaluation sommative  pour établir un constat général, pour mesurer de façon plus global les acquis sur base de critères définis. L’évaluation sommative critériée peut ouvrir à la mise en place de nouvelles stratégies et donc, jouer un rôle comme outil de différenciation.  Le score d’un élève lors de l’évaluation n’est pas toujours représentatif de son niveau. En effet, l’élève peut avoir manqué de temps, travaillé trop vite, ne pas avoir lu les consignes d’entrée, avoir eu des problèmes de rédaction ou encore des problèmes personnels…. Ces éléments constituent un obstacle à l’appréciation impartiale. Le questionnement oral par mise en confiance peut être un moyen de lever certaines ambiguités et de sentir, si l’enseignant y prête suffisamment attention, que l’élève connaît la matière mais a peut-être du mal à l’exprimer. Enfin, placer un élève dans une situation nouvelle afin de voir s’il a pris l’habitude de réaliser ce que nous lui avions demandé, permet de vérifier les acquis définitifs. 

Il s’agit par l’évaluation formative de consacrer du temps à stimuler et à contrôler le travail des élèves, de les motiver sans renoncer pour autant à quelques apports magistraux.

 
2.2.5 Rémédier  C’est offrir un remède suite à une évaluation négative, d’une part ; mais aussi proposer une nouvelle médiation, d’autre part. Quand la progression se retrouve bloquée pour diverses raisons, il faut changer de terrain, voir parfois oublier temporairement l’objectif  pour se centrer sur les causes de la rupture. Ici est un rôle clé de la pédagogie différenciée. Le choix des élèves n’intervient plus à ce stade, c’est le professeur qui sur base des résultats obtenus, met en place des remédiations différenciées (des exercices supplémentaires, des rappels de notions antérieures,…). 

Il est intéressant à ce stade de donner le feed-back d’une évaluation sommative antérieure afin que l’apprenant puisse comprendre ses erreurs et ne plus les reproduire.

A ce moment, un élève peut en comparant son évaluation aux objectifs préalablement définis voir où il en est et même apprendre à s’auto-évaluer et détecter ses futures erreurs. Enfin, on peut également envisager de questionner l’élève sur ses centres d’intérêt et ses besoins pour envisager un recadrage méthodologique (Cf. 3.3 Métacognition). 

2.2.6 Stratégies induisant la motivation

 

2.2.6.1 Au niveau du formateur :

 

Il y a des professeurs qui ne risquent pas de nous emporter; ceux qui, un jour, se sont réveillés professeurs en voulant imposer leur message sans se souvenir qu’ils ont été élèves auparavant, ceux qui sans enthousiasme donnent un cours sans variation d’intonation et ceux qui pensent qu’il est inutile de continuer à apprendre.

 

Philippe Meirieu  affirme : « C’est seulement si je suis capable d’être un peu en toi, de m’y implanter, pour apprendre la mesure de ton désir, que j’ai quelque chance d’y implanter un peu de mon savoir ».

 

Bien sûr, il y a les méthodes (de questionnement, de recueillement des perceptions libres,…) mais l’humilité, le respect empathique de l’autre dans l’écoute, le discours convainquant, la clareté des explications, les variations d’intonation et l’humour sans prendre ses discours trop au sérieux sont des armes fulgurantes de l’enseignant pour susciter la motivation des apprenants. Tel un acteur, il doit être également suffisamment charismatique pour se faire apprécier, respecter et écouter. Ce n’est qu’en combinant certaines de ces armes décrites à son amour pour la matière qu’il enseigne que le professeur peut déclencher l’étincelle.

L’enseignant doit être confiant dans le potentiel de ses élèves en leur manifestant cette confiance et en leur montrant qu’ils sont capables d’apprendre et d’appliquer leurs savoirs.

 

L’erreur classique de l’enseignant est de chercher à amadouer les élèves quand il aurait fallu faire preuve de fermeté et de les sanctionner quand il aurait fallu les écouter. Un bon dosage de cette gestion relationnelle accroît la motivation de l’apprenant car il est source d’un déclenchement de l’apprentissage ou source d’un repli.

 Dans le cadre de la pédagogie différenciée, il semble très intéressant de manifester de l’attention aux questions et perceptions libres afin de valoriser les échanges. Il y a dans la manière de s’adresser ou de répondre à quelqu’un, un indice, un ton de voix et une expression du visage qui suggèrent que l’on attend une bonne réponse ou qu’au contraire on accepte toute réponse même erronée susceptible de créer les conditions de motivation. 

L’enseignant doit manifester conviction et rigueur, ce n’est qu’à ce moment que peut apparaître chez l’élève le désir de ressembler au professeur, d’obtenir son estime et de déclencher ainsi des énergies scolaires vitales.     

 

2.2.6.2 Au niveau du savoir :

 

L’objectif de l’apprenant est d’acquérir un savoir, il convient donc de penser qu’à ce stade, la façon de réceptionner le savoir va varier d’un individu à l’autre. Tout est une question d’un ajustement méthodologique permanent intégrant les éléments du §2.2.2.

 

Avant toute chose, il est vital de transmettre à l’élève des capacités méthodologiques  qui conditionnent tout type d’apprentissage : être capable d’écouter, de lire attentivement les instructions, d’appliquer des consignes, de rechercher seul une information, de savoir se documenter, de pouvoir distinguer l’essentiel de l’accessoire afin de réaliser une synthèse mais aussi  de s’auto-évaluer par rapport aux objectifs préalablement définis afin d’analyser un échec possible et d’en comprendre les causes.

Telle méthode peut ne pas fonctionner avec l’un et dans ce cas, il est capital de ne pas se borner sur cette méthode déployée mais d’en chercher une autre avec lui plus adaptée à ses besoins.

On peut par exemple quitter le champs de la matière pour faire une analogie avec quelque chose de concret que l’élève connaît pour effectuer un rapprochement plutôt que de se centrer sur les termes stricts qui, parfois même s’ils sonts concrets pour le maître, apparaissent de toute évidence comme abstraits pour certains apprenants. On sait qu’il est toujours bon pour que le transfert d’un savoir s’opère, d’aller du concret vers l’abstrait, on élimine de cette façon l’installation d’un climat morose  de désintérêt.

Pour Philippe Meirieu, l’abstraction des concepts constitue l’accès à la liberté.

 

2.2.6.3 Au niveau de l’apprenant :

 

Même si le cours est difficilement perçu car imposé sans raison évidente par un programme pédagogique divers, l’elève doit ressentir la perception d’utilité, que le savoir qui lui sera transmis va lui servir et ceci même s’il n’en appliquera réellement qu’un faible pourcentage dans sa future carrière professionnelle.

En effet, les liens interdisciplinaires nombreux et la nécessité d’avoir une instruction polyvalente minimale doivent motiver l’enseignant à déclencher ce ressenti.

Exemple : Même si un individu entreprend des études de soudeur, il semble utile de lui expliquer le lien d’un cours de français en techno-soudage de manière à ce que les autres le comprennent lorsqu’il s’exprimera.

Le maître argumente : « Quand tu rencontreras un patron ou une femme,… ta connaissance pluridisciplinaire se ressentira de suite dans ta façon de t’exprimer et donnera envie à la personne de mieux te connaître».

On est ici entre les deux pôles du rôle de l’école : « savoir à transmettre » et « citoyenneté responsable à inculquer ».

 

Il est intéressant de prévoir un pourcentage de temps du module de cours pour rendre les élèves responsables d’un projet afin de mettre en place des activités susceptibles d’apporter un éclairage interdisciplinaire et une dimension expérimentale aux programmes scolaires. Les élèves peuvent être acteur d’un projet qu’ils ont eux-mêmes choisi. Responsabilisés, ils ont tendance à s’investir de manière concrète sans devoir subir toute forme impositive.

 
3. Cadre expérimental 3.1 Introduction 

Le cadre théorique précisé, voyons comment mettre en application cette pédagogie sur la leçon décrite en annexe (sujet : « Coupes simples » - cours de dessin technique à une classe de 5ème professionnel mécanique).

 

Avant d’aborder la leçon, il est important que les prérequis : ‘savoir dessiner et savoir lire les trois vues de base d’une pièce mécanique incluant les cotations’ soient maîtrisés.

En principe, les deux années de dessin technique (3P et 4P) à raison de 2 heures par semaine servent à établir ces prérequis. Durant ces deux ans, on démarre des pièces simples pour aller vers des pièces plus complexes qui forment la vision spatiale des élèves. En 5ème année, on aborde des pièces pratiques (arbre, alésage,…) et non plus des formes concrètes purement théoriques.

 

Je me souviens qu’un seul élève cette année présentait un niveau de prérequis inférieur au niveau demandé. Je l’appelerai Kévin, adolescent difficile, se démotivant très vite et chahutant dès que l’incompréhension s’installe. Estimé turbulent par le corps des enseignants, une non réinscription fut d’ailleurs prononcée en mai pour l’année académique 2006-2007 mais la décision de lui laisser finir cette année fut prononcée à l’unanimité.

 

Cet élève vient au cours sans conviction, ni motivation, il déteste l’école, il dit ne rien comprendre et son comportement difficile et très peu appliqué n’arrange rien à son cas. Il fut en échec toute l’année et reçu un AOC. Cependant,  lors de l’examen de juin en dessin technique, il me fit 34,5/60. Comment un garçon qui ne comprend rien, qui ne veut pas travailler peut réussir l’exercice non des plus simples demandé en juin ?

Essayons d’expliquer comment, en développant la pédagogie utilisée avec cette classe, l’étincelle de Kévin a peut-être pu se déclencher en fin d’année. Certes trop tard par rapport aux résutats globaux insatisfaisants et à la décision du conseil disciplinaire mais je n’ai jamais cru que cet élève était inférieur, je dirais simplement paresseux et épuisant.

 
3.2 Déroulement méthodologique 

Avant toute chose, cette leçon s’inscrit dans le cadre d’une année complète où d’entrée, dès les deux premières heures de cours, je souligne l’importance du dessin technique par rapport à cette option de mécanique polyvalente : « le dessin technique est incontournable,  il est un langage universel que les ingénieurs, les architectes et les techniciens utilisent pour communiquer entre eux ». Réalisé sur la planche à dessin ou via un logiciel informatique, il permet de fournir une description visuelle d’un objet ou d’un mécanisme avant même sa réalisation.

 

« Que vous alliez chercher des pièces automobiles chez un concessionnaire, l’écran d’ordinateur affiche les vues 3D de ces pièces, voir même la vue éclatée de leur positionnement dans un  mécanisme ».

 

« L’électricien, qui doit maintenir ou installer des cables électriques, a besoin des schémas de principe, unifilaire, multifilaire ou encore d’implémentation».

 

« Si vous installez une cuisine équipée chez vous, vous êtes de suite soumis au dimensionnement et aux contraintes tridimensionnelles».

 

« Lors de la réalisation d’un bac tiroir de récupération de cendre pour un feu au bois, vous devez connaître les dimensions et quelles pièces souder l’une à l’autre».

 

« Lorsque vous tournez ou alésez une pièce à l’atelier, vous devez connaître les cotations tolérancées et visualiser la pièce à usiner ».

 

« Pour réaliser des travaux de voirie, vous devez connaître la position des conduites d’adduction d’eau et de gaz ».

 « Bref, que vous soyez électricien ou mécanicien polyvalent, le dessin technique se rencontre chaque jour dans la vie d’un technicien ou d’un professionnel d’un corps de métier. Il est incontournable et est requis par toutes  les disciplines techniques que l’on vous enseigne ici… ». Ø     Annonce du sujet de la leçon 

Les coupes

 
Ø     Entrée en matière : a) Mise en situation « A quoi d’après vous, va vous servir une vue en coupe ? ». 

Il est intéressant à ce stade de collecter les perceptions libres des élèves en notant au tableau au moins une idée de chacun. Une fois collectées, le professeur discute de chaque perception en les analysant avec les élèves.

 

Le professeur conclut ensuite à l’utilité des vues en coupe.

 b)    Délimitation des objectifs                     « Au terme de la leçon, vous devriez être capable de savoir décoder et lire une vue en coupe, de savoir réaliser une (ou plusieurs) vues en coupe d’une pièce mécanique  - la pièce mécanique que nous réaliserons pour atteindre ces objectifs est un corps de butée ». Ø     Exposé incitatif  

Je préfère leur annoncer la couleur d’entrée en leur disant que les quatre feuilles de théorie (voir feuilles en annexe) précédant l’exercice ne doivent pas être connues par cœur mais comprises pour être consultées ensuite  lors de la réalisation individuelle de l’exercice demandé. Je vais essayer de limiter le temps théorique à 30-40 minutes maximum car après ce délai, une classe de professionnel  ne perçoit en général plus l’utilité d’un discours mais est désireuse d’une mise en application.

 

1.    Définition (lecture individuelle des élèves puis lecture des définitions par le professeur).

 

2.    Etape de réalisation (explication de la réalisation d’une vue en coupe par le professeur).

 

A ce stade, je dois être sûr que chacun a compris le principe, l’illustration du concept par le  schéma clair de la page 2 en annexe induit la motivation sur l’exposé.

Par conséquent, je vérifie  la compréhension du concept en leur demandant de me dessiner  à main levée une coupe centrale d’une pièce creuse se trouvant dans la classe.

3.    Phase d’exécution d’une vue en coupe.  4.    Hachures 

Il s’agit ici de comprendre comment on va réaliser le dessin de la vue en coupe de  la pièce coupée au point 2.

Je leur explique qu’il faut indiquer trois éléments sur le dessin : a) le plan de coupe

   b) l’endroit d’où l’on regarde la coupe

   c) les hachures là où la pièce est pleine suivant le schéma de la page 3.

 

Ici, je peux leur demander de redessiner la pièce du point 2 avec l’axe de coupe et les hachures en leur demandant de positionner la vue de coupe avec les deux vues de base (voir prérequis).

5.   Erreurs à éviter 

Mon objectif est de les inciter à consulter le tableau des erreurs de façon à ce qu’ils les évitent lors du travail demandé.

 

Soulignons que la présence abondante de schémas sont d’excellents déclencheurs visuels susceptibles d’apporter une compréhension rapide bien plus efficace que de grands discours. Leur insertion dans l’exposé suscite fortement la motivation. Par ailleurs, la présence d’explications orales, d’éléments visuels et d’une pièce palpable (décrite au point 2) suscitent les différents canaux sensoriels à ce stade comme le préconise cette pédagogie.

 Ø     Travail graphique à réaliser individuellement 

C’est ici que va maintenant réellement s’appliquer la pédagogie différenciée.

 

Des questions de ce type émanent des élèves:

 

« Par où dois-je  commencer ? ».

« Cette pièce est difficile, vous êtes fou de nous donner ça !».

Je leur réponds : « Je ne suis pas fou!, vous allez tous savoir réaliser ce dessin, faites-moi confiance ! Nous allons d’ailleurs commencer par tracer les trois rectangles de construction comme vous le faites d’habitude en dimensionnant les vues par rapport à la surface de la feuille ».

 

La magie opère, ils se mettent tous au travail. Cette petite phrase de structuration du travail par étape élémentaire semble les rassurer. 

 

Je commence alors au tableau à dessiner les trois rectangles de construction, de façon à les mettre en confiance. En fait, ils savent le faire mais l’amorce par  le professeur est un excellent moyen de susciter la motivation et le prolongement du travail.

Je leur demande à ce moment de dessiner ce qu’ils savent c’est-à-dire les deux vues de base avant de s’attaquer à la vue en coupe.

 

A ce stade, chacun m’appelle plus pour se sentir en confiance en me demandant le grand classique : « C’est bon, Monsieur ? ».

 

… l’un, me demande :  « Comment dessiner l’alésage central et le lamage ? » (Matière vue en 4ème année)  ,

 

… l’autre : « Comment réaliser les cotations et où les positionner ? » ,

 

… un troisième : « Comment dessiner l’évidemment situé au niveau du socle ? » ,

 

… un quatrième : « Quelle est la hauteur totale de la pièce, Monsieur ? »  (cette question peut paraître évidente mais il faut effectuer un calcul sur base d’un rayon).

 

A chaque fois, je me déplace vers l’un , puis vers l’autre pour répondre à leur question personnelle en essayant de leur faire comprendre le concept par un schéma s’ils sont visuels, une explication s’ils sont auditifs ou encore un exemple avec un objet de la classe s’ils sont kynesthésiques. Si deux élèves sollicitent simultanément ma présence, je vais d’abord vers le premier en demandant à l’autre d’attendre, ce qui est d’ailleurs très bien perçu, mon rôle est devenu celui d’un guide, je réponds à leur question pour leur permettre d’avancer dans leur travail…

 

Kévin me regarde et me dit :  « je ne comprends pas ce que je dois faire !».

 

Je lui réponds : « Te souviens-tu de ce que tu faisais en quatrième ? C’est exactement la même chose ». Je prends son crayon et je démarre le socle en lui expliquant la vue qu’il est en train de faire et la correspondance de son trait continu sur la vue 3D. Ca y est !, il continue seul…  

 

Ils évoluent à leur rythme et la première question surgit sur la fameuse coupe ! , ma méthode reste en adéquation avec le début :

 

« Prends les feuilles de théorie pour t’aider » lui dis-je. « Ensuite, tu me poses la question où tu cales et non pas une quetion vague s’il te plaît». 

 

L’un y parvient, l’autre aussi, un troisième butte et je lui dis à ce moment « Grégoire peut t’expliquer, va t’asseoir à côté de lui ! ».

Ce qu’il fait de suite ; Oh !, Grégoire est très bon et se sentant valorisé au rang de professeur explique simplement à Benjamin comment réaliser la coupe… .On pourrait croire qu’il recopie bêtement, il n’en est rien !, ils se posent réellement leurs questions.

Je leur avais précisé qu’à l’examen, copier sans comprendre leur serait fatal et qu’il devait prendre le temps de comprendre à leur rythme. La stratégie du bête copiage, ils ont de suite compris que ce ne serait pas rentable pour eux vu la pondération non négligeable des examens de juin.

 

L’enseignement réciproque est une méthode efficace pour susciter la motivation et empêcher  la rupture de  l’apprenant.  Elle n’est pas négative pour l’élève en avance car celui-ci se sent chargé de tenir un temps le rôle du maître auprès d’un de ses camarades. C’est un moyen précieux pour améliorer la gestion d’une classe hétérogène.

 

Jérôme est un èlève de cette classe, jugé jadis turbulent et non appliqué par les enseignants lorsqu’il était en 3ème professionnel, son comportement est exemplaire à mon cours. Pourtant, j’ai eu une fois une discussion avec lui car il ne comprenait pas pourquoi il avait reçu un ‘6/10’ à un dessin alors qu’il estimait au moins un ‘8/10’. Il me dit furieusement :  « Dites-moi où sont mes erreurs , je ne les vois pas ! » .

A l’époque, j’avais pris mon temps de lui souligner chaque erreur, une dizaine sur son dessin. Je ne pouvais pas par esprit d’égalité vis-à-vis des autres lui mettre plus que cette cote et j’estimais que c’était très bien coté pour deux raisons : 1) beaucoup d’erreurs techniques et 2) un manque d’assiduité en fin de scéance.

Ce manque se traduisait par des bavardages, au lieu de perfectionner son dessin, il se contentait de ce qu’il avait réalisé  les premières heures, s’insurgeant même de ses cotes par la suite.

Maintenant, il a compris et je le vois travailler jusqu’à la fin. Il a vu que son niveau était effectivement de l’ordre de 80-85% s’il se donnait à fonds et non par approximation. Il me demande à cet instant : « Monsieur, que pensez-vous de ma coupe ? » .

Je regarde son dessin avec attention. De suite, je vois une erreur se retrouvant sur la feuille des erreurs à ne pas commettre et je lui dis : « Jérôme, va revoir la feuille où se trouvent les erreurs classiques et ensuite dis-moi si tu la trouves ? ».

 

Kévin arrive finalement à la réalisation de sa coupe,  je l’ai aidé et lancé sur ses deux premières vues réussies, il semble se battre en me posant des questions … .

 

A ce moment, j’ai déjà donné un autre travail aux élèves plus rapides sur une nouvelle pièce à réaliser en coupe. Kévin  mettra deux heures pour arriver à terminer son travail, en m’appelant rien qu’à lui seul presque 20 pour-cent du temps, avec quelques erreurs ci et là.

 

Jérôme me rappelle et je lui dis : « Pourquoi dois-je te dire d’aller consulter les feuilles alors que tu pourrais le faire toi-même et que tu as trouvé la solution ? ». Oh! je fais ça  pour une seule raison, apprendre à être un minimum autonome. C’est plus de la méthodologie à leur inculquer que réellement un savoir intellectuel à leur transmettre car je vois qu’il a su l’appliquer seul.

 

Le cours se termine et je leur souhaite un bon week-end.

Lors du cours suivant, le lundi matin, je demande d’entrée à Kévin d’aller réaliser au tableau sa vue de coupe (Technique du croisement).

 

Avec la latte d’un mètre, il commence à dessiner la coupe (1cm sur  sa feuille = 10cm au tableau). Je reprends toutes les copies en demandant ensuite à la classe d’énoncer les points positifs, dans un premier temps ; et de chercher les erreurs afin de proposer les corrections, dans un second temps.

 

L’un se manifeste :   « il ne faut pas de trait plein à cet endroit… ».

 

« Pourquoi ? » lui dis-je.

 

            « Et bien car … » dit Sébastien.

 

Je regarde Kévin à ce moment et je fais venir Sébastien au tableau pour lui expliquer où est l’erreur.

 

La scéance se termine finalement par la correction finale de la vue sur base de cinq interventions qui ont chacune nécessité soit un rappel théorique, soit une explication de l’un à l’autre.

 

Lors du dessin suivant, j’ai observé que Kévin n’avait refait qu’une seule des cinq erreurs détectées au niveau de la précédente coupe.


A ce moment, j’ai eu un autre déclic, je me suis dit : « Finalement, ils ont tous réalisé le ‘corps de butée’ sur papier, pourquoi n’irais-je pas consulter le professeur de TP-Usinage pour qu’il réalise cette pièce à l’atelier ? ».  Mon idée fut très bien reçue par le maître de TP usinage, il alla même jusqu’à couper une des pièces en deux pour comparer la coupe réelle de la pièce et la vue en coupe  sur papier.

 

L’enseignement interdisciplinaire est une richesse car il conduit à une autre vision(conduite par un autre professeur)  sur l’utilité d’un cours, à sa mise en application et permet de réellement créer un lien entre un cours pratique de terrain que constitue un cours de TP usinage et un cours de théorie-pratique que constitue un cours de dessin technique. C’est ce qu’on nomme le transfert des savoirs.

                                         

           
Ø     Critères d’évaluation  

L’évaluation finale du dessin s’opère en tenant compte du travail individuel de chacun, du niveau d’implication de l’élève et des questions posées durant le travail graphique (aspect formatif à raison de 30% de la pondération finale) ; mais également d’une appréciation globale du travail rendu sur base des critères définis ci-dessous (aspect sommatif à raison de 70% de la pondération finale) :

 

§   Les vues techniques demandées (45% du global)

§   La cotation des vues (15% du global) 

§   La présentation générale et le soin (10% du global)

 

Notons que pour être performantes et motivantes, les méthodes d’évaluation doivent varier et ne pas être toujours du même style que celle décrite ci-dessus :

 

ü     Proposer de réaliser un travail à domicile du même type en fixant une date limite (deathline) pour rendre le travail.

ü     Proposer également un travail de groupe, par deux par exemple, sur un dessin de format A3.

ü     Demander de réaliser une recherche individuelle sur un sujet (par exemple sur l’utilité du corps de butée lui-même).

ü     Demander aux élèves d’interroger un parent ou un expert sur le sujet étudié et de réaliser un petit compte rendu d’une demi-page par exemple, qu’il viendra ensuite commenter devant la classe.

      
3.3 Métacognition 

Malgré une nécessité de guidage  individuel visant à les rendre autonome avec un niveau  d’indépendance adapté, il faut néanmoins faire attention à ce que ces situations d’individualisation n’aboutissent pas aux résultats inverses de ceux qu’elles visent : qui seraient de confiner l’élève juste à ce qu’il sait faire, à ne proposer à chaque élève que des outils et des situations adaptés à sa démarche intellectuelle et des méthodes modulées à son rythme de travail. Cette façon de procéder risquerait de l’enfermer  dans des pensées le rendant intolérant à toute nouvelle méthode.

 

Par ailleurs, si je sais à ce moment que je détiens la clé d’un dispositif avec lequel je me sens en harmonie, je risque, en tant qu’enseignant, de contribuer à la paralysie du système d’éducation en me dirigeant vers un monolithisme méthodologique.

 

En fonction des résulats et d’indices divers, une méthode est toujours sujette à être réadaptée par le maître, voir entièrement changée afin d’envisager les réajustements nécessaires qui doivent s’opérer.

Un autre danger de la pédagogie différenciée est de freiner les plus rapides à apprendre à travailler encore plus vite.

 

Enfin, aussi différenciée soit-elle, cette pédagogie ne sera pas efficace si les contenus ne tiennent pas compte des expériences et des intérêts des apprenants. Il faut au maximum donner du sens à son cours en utilisant des techniques variées (parole, écriture, schéma, réalisation…).

 

L’exploitation des perceptions libres, en début et pendant le cours,  ne peut être pleinement efficace dans leur analyse que par une formation solide de l’enseignant, un apport notionnel et une expérience pratique probante.

Dans les cours techniques, il ne faut pas oublier qu’il existe un lien important entre chaque discipline et il est difficile de confiner un apprentissage à ses propres limites d’objectif. 

Pour permettre le décloisonnement, le professeur doit savoir faire les liens entre les différents cours, il peut ne pas être compétent pour expliquer un concept hors cadre de son cours, mais il doit au moins, dans ce cas, savoir orienter l’élève vers une autre ressource adaptée du corps des professeurs.

    

Sylvie Mersch nous le confirme en disant : « Même si les régents ont une aisance pédagogique et une qualité d’écoute des besoins, ils ont bien souvent des difficultés à tirer pleinement profit des perceptions libres car le niveau de connaissances requis dépasse parfois les frontières d’un seul et unique cours ».  

 

Après tout, la véritable pédagogie différenciée n’est-elle pas celle qui s’adapte aux besoins des apprenants mais aussi à leur itinéraire individuel de formation induisant la mise en commun des savoirs des professeurs ?.

  

Nous ne connaîtrons jamais toutes les variables qui entrent en jeu dans un apprentissage. Paul Valéry disait :  « Que de choses il faut ignorer pour agir ! ».

 
4. Conclusion 

La pédagogie est une arche entre l’apprenant et le savoir. Partir de l’apprenant par ses intérêts et ses besoins facilite grandement le voyage périlleux de cette arche à travers vents et tempêtes… .

Des études démontrent que dix pour-cent en moyenne d’une classe, les ‘bons élèves’ tirent leur épingle du jeu dans toutes les situations d’apprentissage ; pour les autres , le « guidage » semble une solution pertinente.

A partir du moment où l’on désire fournir à tous un tronc commun de connaissances générales à l’intérieur d’une classe hétérogène (différence intellectuelle, différence sociale, différence de culture,…), la différenciation de la pédagogie n’a pas à être source d’hésitation, elle s’impose.  Elle est une dynamique qui n’est jamais entièrement achevée et qui se remet en question perpétuellement .

 

C’est l’effort du maître qui communique à l’apprenant la conviction que quelque chose est possible ; c’est son action pour travailler à ses côtés à atteindre l’objectif qui lui suggère la confiance en ses capacités et l’incite à fournir, lui-même, les efforts pour s’en montrer digne.

 

La différenciation de la pédagogie est le seul espoir de faire atteindre à l’ensemble des élèves le niveau cognitif souhaité, tout en répondant de façon tactique aux aspirations et capacités personnelles des apprenants .

Pour elle, tout ne se vaut pas dans la mesure où tout n’est pas ‘bon’ pour tous les élèves.

 

« Toute explication doit être une réponse par rapport à un besoin exprimé ».

       Claparède

 

« Différencier la pédagogie, c’est rendre suffisamment de pouvoir aux élèves pour lutter contre la passivité de leurs maîtres ».

                 Meirieu P.

 

« Rien n’est jamais figé à l’avance, figer l’apprenant serait de ne pas remplir la mission pour laquelle le pédagogue est formé.

Il se doit de tout tenter pour que surgisse l’étincelle (sans cela, Gianni n’aurait pas réussi Polytechnique)…».

                                                                                                  

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Ing. Grégory Brison, MSc

Expert immobilier.
Génie mathématique. Polymathe, maître en                           sciences & écrivain.                             Autodidacte passionné.